EXPÉRIENCES PERSONNELLES

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Rechercher un but ?

421 Cœur

421 Cœur

Dialogue par mail avec Marie France concernant une vidéo de Mooji* présentée sur Canalblog : « S’arrêter un instant et prendre conscience du vide, de l’espace dans lequel tout apparaît. »

Marie France – Plus je vais et plus je sens profondément que tout est là...

Pierre – Plus je vais et plus je sens profondément que tout n’est pas là... La réponse à ta question suivante éclairera peut-être plus précisément cela.

Marie France – Dans tout ton temps de recherches et de pratiques, est-ce que je peux me permettre de te demander quel est le « but » que tu recherches, qui t’anime profondément ?

Pierre – Je dirais d’abord que je ne passe pas tellement de temps à la recherche et la pratique. Ensuite, qu’il n’y a aucun but qui m’anime profondément. Je fais cela pour le plaisir (certains diront pour une célébration, mais je ne suis pas sûr que ce soit mon cas), ou simplement pour passer le temps, comme les autres activités quotidiennes, puisque nous sommes des êtres actifs qui avons besoin de dépenser notre énergie d’une manière ou d’une autre.

Je pourrais dire qu’il s’agit simplement de vivre, le plus naturellement possible, c’est-à-dire sans m’efforcer de manipuler mon existence afin de la transformer ou de l’améliorer pour répondre à des buts, mais d’accepter sans commentaires ce qui survient – les choses telles qu’elles sont – avec sérénité et bienveillance. Ce qui signifie accepter aussi de ne pas accepter ce qui survient, de faire des commentaires et de manquer de sérénité ou de bienveillance ! Accepter également d’être une personne, d’écouter les inepties de mon mental ou de m’identifier à mon corps. Et aussi de ressentir par moment le vide, la présence ou la pure conscience, sans que cela devienne un but (et donc un attachement), ni le considérer comme une réalisation qui mérite des commentaires…

La fin de l’épilogue de mon livre Le parfum de l’éveil, écrit en 2009, pourrait aussi répondre de façon appropriée à cette question :

« Un jour, bien des années plus tard [en 2002], j’ai rencontré Éric Baret* et le yoga tantrique du Cachemire. Une évidence me révéla que j’avais trouvé la formulation de ce que je pressentais depuis longtemps dans ma quête spirituelle. Alors, la fréquentation des monastères, des retraites, des centres bouddhistes et des maîtres éveillés a cessé d’être une priorité. 

« Les enseignements du Bouddha restent toutefois enracinés dans mon cœur. Les pratiques formelles ne sont plus pressenties comme une nécessité incontournable pour atteindre un but, l’éveil, mais comme une célébration, une offrande à la joie d’être vivant. Les préceptes*, la médita­tion, les jhanas*, les mantras, l’investigation de la sagesse, les lectures spirituelles, les rencontres avec des amis du Dharma font toujours partie de ma vie. Ce ne sont plus, toutefois, des étapes sur une voie, ou des moyens habiles pour évoluer, pour changer ou pour combler un manque, mais des occasions de ressentir, de partager, de rester connecté au silence lumineux et à la tranquillité vibrante qui imprègnent profondément toutes nos expériences humaines. 

« La réalité des choses telles qu’elles sont – au jour le jour – est un émerveillement constant et notre plus grand cadeau. L’accueil sans conditions et sans commentaires de ce qui nous échoit dans l’instant, la présence bienveillante et la disponibilité spontanée à ce qui est, rendent superflus et dérisoires tous projets, recherches ou cheminements. La vie devient légère, elle se libère de toute intention d’atteindre quoi que ce soit. Elle exprime la beauté. C’est l’art de célébrer l’ultime dans le quotidien. »


Mooji (né en 1954) : d’origine jamaïcaine, Mooji fut un disciple de H.W.L. Poonja. Il enseigne l’advaïta vedanta dans la tradition de Ramana Maharshi et vit à Monte Sahaja, au Portugal, dans l’ashram qu’il a créé.

Baret (Éric) (né en 1953) : disciple de Jean Klein, Éric Baret enseigne le shivaïsme tantrique du Cachemire. Il est devenu mon principal maître spirituel depuis notre rencontre en 2002.

Préceptes (pali : sikkha-pada) : ce sont des conseils de comportement que le pratiquant du boud­dhisme s’efforce de suivre pour éviter de causer de la souffrance – mais créer au contraire du bien-être – pour soi-même et pour autrui. Les préceptes ne sont pas des commandements, mais des suggestions de pratique. L’enfer ou le paradis auxquels sont promis ceux qui respectent ou non les préceptes ne sont que les misères ou les joies qui résultent de leurs actions. Les bouddhistes laïques pratiquent cinq préceptes : s’abstenir de tuer des êtres vivants, s’abstenir de prendre ce qui n’est pas offert, s’abstenir de conduites sexuelles inappropriées, s’abstenir de mentir, s’abstenir de consommer des boissons alcoolisées ou d’autres substances intoxicantes (dans le sens de « produisant inattention et insouciance »). Chacun de ces préceptes peut être compris à différents niveaux, et chaque personne décidera pour elle-même du niveau de raffinement qu’elle entend donner à sa pratique.

* Jhana (pali ; sanscrit : dhyana) : absorption méditative. Les jhanas sont des états de profonde méditation produits par la concentration. Les enseignements du Bouddha citent huit jhanas – quatre jhanas de la sphère matérielle subtile et quatre jhanas de la sphère immatérielle. Si Ayya Khema* insistait beaucoup sur l’importance de la pratique des jhanas, curieusement, ils sont rarement enseignés dans les milieux bouddhistes occidentaux, et même souvent déconseillés.

 

16 septembre 2017, Cabrières d’Aigues

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