Programme
Cette semaine, il y eut de nombreuses courses en ville et plusieurs sorties le soir, si bien que mon programme en fut de nouveau complètement chamboulé. Et demain je pars à Yangon voir Isabel et Momo (ma sœur et son mari), jusqu’à lundi. Pour l’instant, je crois qu’il vaut mieux que j’oublie cette tentative de nouveau peu fructueuse d’établir un programme. Essayer de garder une ou deux priorités, comme écrire ces Pages* le plus souvent possible et terminer le nouveau livre, qui avance. Et en dehors de ça, ne pas en faire trop, ne pas me stresser, mais répondre spontanément aux demandes souvent imprévues qui se présentent, et me rapprocher ainsi du wu wei* que j’aspire à pratiquer depuis si longtemps. Je n’ai plus regardé de vidéos depuis une semaine, mais j’ai repris la lecture, un livre d’Ayya Khema*, et j’ai commencé à lire les suttas du Majjhima Nikaya.
J’ai dîné un soir avec Santikaro*, qui est de passage à Chiang Mai. Cela m’a fait plaisir de discuter de points essentiels du Dharma*, ce que je peux difficilement faire avec mes amies qui connaissent mal le bouddhisme, mais sont plutôt du côté de l’hindouisme et de la non-dualité. Je me rends compte que je n’ai plus de vrai Dharma friends, à part Mettiko, Manfred, Santikaro et Sukhacitto, que je vois rarement, et cela me manque. Hier soir, je suis allé avec Annabel au Yoga Tree pour écouter un enseignement de Santikaro. Cela faisait longtemps que je n’y étais pas retourné, probablement depuis que je n’ai plus de voiture. J’y ai retrouvé quelques amis, Samantha, Sabine, Paco, Steven… mais je me rends compte que je ne me sens plus très connecté à ce genre de groupe et à leurs activités. Je préfère rester tranquillement à la maison à vaquer à mes petites activités. Si je suis content de sortir de temps en temps, de préférence la journée, et de voir mes quelques amis, j’apprécie de plus en plus la solitude. C’est pour cela que je n’ai plus non plus envie de voyager, ni même de faire de petites excursions. J’ai beaucoup couru le monde quand j’étais plus jeune, mais je me rends compte que c’était une autre époque que je n’ai plus envie de retrouver.
Peut-être aussi, depuis que je me suis replongé dans le bouddhisme, que je retrouve dukkha* et ses causes, et le désenchantement du samsara*. Et c’est sans doute ce qui m’incite à moins m’agiter et me stresser, à faire moins de choses, toutes plus ou moins futiles, mais à retrouver la méditation et le silence, et un autre rythme plus calme. Une joie intérieure paisible pourrait remplacer la mélancolie que je semble trouver dans le renoncement à l’activité fébrile à laquelle je suis habitué depuis si longtemps, mais qui n’est qu’un moyen d’échapper à la réalité des choses telles qu’elles sont. Maintenant que je ne fais plus de retraites régulières pour retrouver cet espace de calme et silence, il faut que j’apprenne à le trouver dans ma vie quotidienne, et il est certainement peu compatible avec le programme efficace que j’ai essayé d’établir récemment. Encore un mois pour trouver un nouveau rythme de divine nonchalance pour 2018…
* Pages : une des tâches de la voie de l’artiste (The Artist’s Way, de Julia Cameron) qui consiste à écrire trois pages par jour. À l’époque où je faisais cette pratique, mon Journal était devenu les Pages.
* Wu wei (chinois) : littér. ne pas faire, non-action. Le wu wei est une philosophie de vie prônée par les taoïstes, qui consiste à s’abstenir de toute intention d’accomplir quoi que ce soit. Le pratiquant du wu wei se contente de suivre le flux de la vie en répondant spontanément aux besoins et aux demandes qui se présentent.
* Khema (Ayya) (1926-1997) : née à Berlin, Ayya Khema fut ordonnée nonne en 1979 au Sri Lanka. Elle enseignait le bouddhisme theravada et la pratique des jhanas, les absorptions méditatives. Elle fonda en 1978 le Wat Buddha Dhamma, un monastère de la forêt situé en Australie, où j’ai fait ma première retraite avec elle en février 1990 (voir mon livre Le parfum de l’éveil). Elle fut ensuite mon principal maître spirituel jusqu’à sa mort.
* Santikaro (Tan) : enseignant bouddhiste, traducteur et militant américain, ordonné moine en 1985. Il résida pendant quatorze ans à Suan Mokkh, où il enseignait et dirigeait des retraites de méditation pour les Occidentaux. Il retourna aux États-Unis en 2001 et, après avoir quitté la robe en 2004, fonda Liberation Park, une communauté bouddhiste dans le Wisconsin. Il est l’un des principaux traducteurs de l’œuvre d’Ajahn Buddhadasa en anglais.
* Dharma (sanscrit ; pali : Dhamma) : la doctrine du Bouddha, un des Trois Joyaux, avec le Bouddha et la Sangha. Dans un sens plus général, tout enseignement ou chemin spirituel.
* Dukkha (pali) : insatisfaction, imperfection, souffrance. Une des trois caractéristiques de l’existence et de tous les phénomènes, selon le bouddhisme. Les deux autres sont anicca (l’impermanence) et anatta (l’impersonnalité). Il y a trois sortes de dukkha : le dukkha de la souffrance : la souffrance est douloureuse par elle-même ; le dukkha du plaisir : le plaisir n’est pas complètement satisfaisant parce qu’il contient l’incertitude de son accomplissement et de son prolongement, la crainte de sa cessation et la nature douloureuse de la lassitude et de la satiété qu’il ne manquera pas de produire ; et le dukkha inhérent à tous les phénomènes conditionnés.
* Samsara (pali) : littér. transmigration perpétuelle. Désigne le cycle des renaissances – le monde conditionné dans lequel nous vivons – qui, tant que nous n’en avons pas perçu la nature illusoire et le considérons comme la seule réalité, est comparé par le Bouddha à un océan de souffrance.
1er décembre 2017, Chiang Mai